Thursday, May 18, 2006

Chapitre 6 –L’accident

Une californienne de carte postale, grand chapeau années 50, grosses lunettes, un bikini turquoise et son mari. Un petit homme tout sec, petites lunettes, petit costume de gala gris anthracite et sa femme. Depuis 20 minutes elle se fait la conversation en riant à ses propres blagues. Elle a déjà cité au moins 30 acteurs, 50 actrices, des réalisateurs avec lesquelles elle partage aussi le goût des belles choses, le sens de la dignité et le respect de la personne humaine. Il est de bon ton à Los Angeles d’avoir un discours qui épouse les formes généreuses du politiquement correct. Son mari, banquier ou producteur avale ce flot de paroles comme s’il s’agissait d’une énorme part de cake aux noix. Il voudrait bien pouvoir l’arrêter avant d’étouffer. Il tente maladroitement de poser sa petite main fripée sur l’épaule de sa femme. Peine perdue, hystérique, elle décrit des mouvements de bras de plus en plus rapides, des moulinets, comme les pales d’un hélicoptère au démarrage, comme si elle avait passé la moitié de sa vie dans un temple shaolin t qu’elle avait complètement intégré la technique du ventilateur mortel du dragon. Le petit mari gonfle ses poumons pour trouver l’air nécessaire, il pousse un « Sweet… Sweet.. Sweety » mais elle ne l’entend pas. Au guichet de la Poste de la Gare du Nord j’attends mon tour. Il me faut 1 carnet de timbre. Quand j’ai le courage je vais à La Poste pour avoir des jolis timbres. Au menu : Une série sur les sites historiques, une autre sur les fromages régionaux, une autre sur les métiers disparus. J’hésite encore… Jean-Pierre Pernault doit sûrement bosser à la Poste, genre « consultant conseil ». Enfin, c’est à moi. Une jolie brune me demande si je veux un café. Un geste commercial sûrement, ils ont dû enfin comprendre qu’il n’était pas normal qu’on attende aussi longtemps. Je lui réponds que je n’ai pas le temps. Elle insiste : Un café ? Je paye mes timbres, je sors de là en bousculant un chef scout en uniforme. Troublé, j’ai le sentiment de l’avoir déjà vu quelque part. La californienne vire au rouge, elle hurle que George Clooney est un modèle universel et que Brad Pitt n’est qu’un vulgaire imposteur « Sweet… Sweet.. Sweety », elle a renversé les tasses, le café coule par les petits trous. Pause inespérée elle s’allume une clope « Sweet… Chérie » il murmure, ele lui jette un « hum ? », « Swetty… Shut up !!! » Le calme est revenu au Terrasse Café. Rue du Faubourg St Denis tout le monde s’agite et moi j’attends.

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