Thursday, May 18, 2006

Chapitre 5 – Enrique

Enrique, un escroc à la petite semaine dont la dernière embrouille avait particulièrement mal tourné se retrouvait avec la moitié de la ville au cul. Il était assis à une table juste devant la mienne. Il parlait seul, enfin, il marmonnait, il mâchouillait, il avait l’air très nerveux. Enrique avait un tee-shirt rouge « Sandinista » le même que Joe Strummer des Clash arborait fièrement du temps du triple album en question. Le premier triple album de l’histoire du rock vendu pour le prix d’un seul, sous la pression des musiciens du groupe. Un album révolutionnaire à plus d’un titre. Il commanda son quatrième café, les tasses s’empilaient sur la petite en métal. J’ai toujours aimé les tables de bistrots pleines de petits trous. Quand elles datent un peu, la rouille commence par ronger le bord des petits trous, finissent par décoller la peinture et après c’est bon pour la casse. C’est peut-être pour ça qu’on en voit de moins en moins. Enrique s’était fait une spécialité de la vente à la sauvette de tickets de concert punk-rock, plus quelques petits extras, tout se passait plutôt bien. Chez son cousin il s’était matté un bon paquet de divx, des films mal doublés, des screeners où l’on entendait une salle entière de ruminants bouffer du pop-corn. Enrique s’était dit que ça avait l’air facile de se faire plein de fric avec une petite mise de départ et la tchache. Maintenant il était vraiment dans la merde. On ne les prend pas comme ça pour des cons les caïds du bloc B. Encore un café, pour la route. Enrique avait pris sa décision, il allait rester là, faire partie des meubles. Je n’avais pas remarqué une tâche rouge plus foncée sur son tee-shirt. Enrique était dans le coma depuis une heure déjà, plus rien à faire. Bienvenue au Terrasse Café, terre d’asile.

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