Thursday, May 18, 2006

Chapitre 4 – Une invitée

Première ronde dans le jardin autour de la maison après la neige. Je marche sur des coquilles vides d’escargots. Ça croustille. Dans le champ d’à côté une pelleteuse est en train de creuser un grand trou pour un futur chalet. Un type se tient là à quelques mètres et observe la scène. Je ne sais pas qui c’est, le propriétaire ? Le patron de la boîte de BTP ? Un voisin ? Ils n’ont pas l’air de se parler et moi je les regarde, de loin, assis sur l’escalier en pierre. Les fréquences de mes visites sur la plage se sont stabilisées à raison d’une fois par semaine, le plus souvent le jeudi. Je fixe l’horizon. Une odeur familière vient me chatouiller les narines, l’odeur particulière d’une Gauloise sans filtre. Mamie Lou est là, assise à côté de moi. Ma grand-mère. Je n’arrive pas à être complètement surpris, depuis le temps que l’on ne s’est pas vu… Elle ne dit rien, écrase son mégot au fond de la tasse et en rallume une. Ma mère ne supporte pas de me voir fumer, cette toux grasse du fumeur la ramène invariablement à son appartement de Cagnes-sur-Mer. Elle vivait là avec Mamie Lou, un tout petit appartement, 2 pièces avec les chiottes sur le palier et il fallait traverser le couloir pour aller dans la cuisine. Pas de salle de bains on se lavait au robinet dans la cuisine. Une peau de renard trônait sur l’abat-jour du salon et deux rouges-gorges empaillés accrochés sur les bords achevaient avec classe ce magnifique tableau. Une autre Gauloise. Un jour on avait été faire le ménage chez elle avec ma mère. On avait nettoyé son meuble, une gigantesque vitrine, à l’essence de térébenthine et on avait retiré une couche de cinq millimètres de nicotine. Cinq millimètres de nicotine gluante, cinq millimètres de nicotine grasse. Grasse et gluante. Mamie Lou avait des caniches qu’elle ne sortait jamais, 2 caniches très maigres, 2 caniches qui hurlaient au moindre bruit et qui chiaient dans tout l’appartement. Mamie Lou habitait au deuxième dans un vieil immeuble. Les escaliers étaient larges et très hauts. A chaque fois que je l’avais au téléphone elle terminait toujours par : « aujourd’hui je suis encore tombée dans l’escalier ». Une malédiction des personnes âgées, arrive un jour où il tombe pour la première fois dans les escaliers et puis ça n’arrête jamais, ils tombent dans l’escalier. Je la regarde assise à côté de moi, elle est immense, elle me sourit, tout va bien. 20 qu’elle a disparu. Mamie Lou repose gentiment dans les terres rouges du cimetière du Beausset.

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